Behind the green door : 72, année érotique

“Ce film est, sans aucun doute, le film porno le plus sublime de cette période. Il reste, pour les amateurs de vidéo-cassettes, le must absolu. L’étalon…

François Jouffa et Tony Crawley dans L’âge d’or du cinéma érotique et pornographique, Editions Ramsay cinéma

Avant le phénomène

Artie et Jim Mitchell, deux frères récemment sortie de l’université de cinéma de San Francisco patientent dans la salle de casting, nerveux. Initialement habitués aux loops: ces films courts montés en boucle et projetés dans les salles spécialisées (les leurs, en l’occurence); ils se décident enfin à passer au format long.

Lors des années 1970 aux États-Unis, c’est une véritable chasse aux sorcières qui est menée contre le porno, et dans ce contexte, la production massive des frères Mitchell déplaît. Tous deux se plaisent d’ailleurs à raconter qu’ils ont été arrêtés plus de fois que n’importe quel trafiquant de drogue de la baie de San Francisco !

“On avait de l’ambition ! On voulait toujours faire des progrès. Quand on a commencé à tourner ces petits loops, on s’est dit qu’en deux, trois ans, on allait se retrouver dans le hard-core. Merde, alors ! On avait été arrêtés pour avoir tourné ces petits films; alors on s’est dit que quitte à avoir des ennuis, autant aller plus loin et faire du hard.”

Artie Mitchell dans L’âge d’or du cinéma érotique et pornographique, Editions Ramsay cinéma
Artie et Jim Mitchell

De la réalisation massive de loops, Artie et Jim passent alors rapidement au court, puis au long-métrage tels que Runaway Hormones ou encore le très évocateur Flesh Factory.

L’autre Marilyn

Nous retrouvons donc nos presque-célèbres frères affalés dans le canapé du bureau de casting; usés d’avoir auditionné les quelques jeunes filles dont aucune ne correspond véritablement au rôle.

Et puis, elle arriva. Ou plutôt, elle partait, lorsque Artie et Jim l’aperçurent, quittant précipitamment les studios, persuadée de faire une erreur de carrière en venant se présenter pour le rôle, elle, qui était alors davantage habituée aux spots publicitaires, qu’aux films pour adultes !

La suite est digne d’une belle histoire d’amour puisque les frères lui coururent après; la rattrapèrent, et la belle et timide Marilyn Briggs devint Marilyn Chambers, l’une des plus célèbres actrices du cinéma érotique. Ce qu’on ne dit pas, c’est que, persuadés d’avoir trouvé la perle rare, les frères Mitchell finirent par convaincre la belle ingénue en lui proposant un salaire relativement élevé pour une débutante, ainsi qu’un pourcentage sur les recettes (Banco !) et le choix final de ses partenaires de jeu !

Marilyn Chambers

“Impure à 99,44 %”

Voici le slogan que choisirent les frères Mitchell pour présenter Behind the Green Door; faisant directement référence à la publicité pour le savon Ivory dont Marilyn était alors l’égérie, et dont la phrase d’accroche était: “Pure à 99,44 %”. Évidemment, la blague ne plut pas à la marque qui intenta même un procès à la jeune actrice…

Le film débute alors comme un bon vieux film traditionnel des années 1970, et rien ne laisse présager, ni la suite des évènements, ni même le caractère pornographique du film: deux hommes prennent tranquillement un verre au comptoir d’un café, revenant sur une mystérieuse légende et d’une soit-disant “porte verte”… Les bases sont posées, le VRAI film peut alors commencer. Générique. Et c’est parti !

La suite du film illustrera la fameuse légende de la porte verte alias la légende du viol rituel de la femme mariée… Gloria (Marilyn Chambers) est kidnappée et séquestrée par deux individus (qui ne sont autres que les frères Mitchell eux-mêmes !) avant d’être livrée à un public de libertins masqués venu assister à un spectacle un peu spécial… Sorte d’Eyes Wide Shut version X donc.

La suite, vous l’imaginez certainement: nous sommes dans un porno des années 70′ DONC la jeune victime se prend très vite au jeu, transformant l’horreur du viol en véritable classe découverte.

Et ce terme de “classe découverte” prend ici tout son sens puisque le partenaire principal de la jeune Marilyn n’est autre qu’un acteur afro-américain, peinturluré à outrance afin que le public ne puisse oublier l’ex(r)otisme de ses origines… Ce sera d’ailleurs la première scène de sexe interracial dans le cinéma porno.

Parce qu’il faut tout de même garder à l’esprit qu’aujourd’hui encore, l’ethnie des acteurs/actrices et sa représentation est loin d’être hasardeuse dans le cinéma érotique et porno; elle fait par exemple encore l’objet d’une catégorisation sur les sites spécialisés: black, japanese, etc… Et pas des moindres puisqu’à titre d’exemple, la recherche “ebony” (ébène) se classe en 3ème position des recherches sur Pornhub en Grande-Bretagne ! De plus (et l’info est davantage affligeante…) les actrices sont aujourd’hui encore rémunérées plus grassement lorsqu’elles tournent avec un homme d’origine Africaine… 2020, vous avez dit ?

Marilyn Chambers et son partenaire de jeu Johnnie Keyes

Le film eut finalement un succès retentissant aux États-Unis lors de sa sortie: il fut tourné avec 60 000 dollars seulement, et en rapporta 200 000 en 20 semaines, pour atteindre les 20 millions en moins de 3 ans !

Pourquoi faut-il voir Behind the Green Door ?

Parce que le film offre un spectacle (dans tous les sens du terme) encore jamais vu dans le cinéma pornographique, à cette époque. L’héroïne évolue dans une sorte de huis-clos et au gré de ses partenaires; luttant d’abord contre les premiers assauts, elle s’abandonne finalement aux caresses des nombreuses prêtresses noires au sein d’une séquence aussi longue qu’érotique. La cérémonie étant officiellement ouverte, les choses sérieuses peuvent commencer.

L’homme noir fait alors son entrée dans un décor des plus singuliers au milieu duquel trône un trapèze. La belle héroïne, harnachée de toutes parts, est jetée en pâture (mais avec amour, comme le précise la grande prêtresse) aux mains et autres membres viriles s’adonnant au plaisir sous toutes ses formes.

Mais c’est seulement au bout d’une heure d’orgie, à la fois sur scène mais aussi (et surtout ?) dans le public, que le spectateur touchera du doigt la subtilité du film. C’est à cet instant que tout bascule, mais du bon côté ! L’audace cinématographique des frères Mitchell se concrétise enfin, et le coït final se mue en surimpressions, images au ralenti et autres répétitions sur fond acidulés. Les supplices de la douce Gloria ne se devinent maintenant qu’en toile de fond, laissant l’imaginaire du spectateur faire le reste.

Cette aventure porno-expérimentale touchant à sa fin, le spectateur, tout comme le public, doit maintenant quitter la pénombre et la moiteur de la salle où s’entremêlent les corps nus; et regagner la tristesse du quotidien. Quant à nous, nous retrouvons nos deux compères au comptoir du bar, dont la magie de l’expérience leur paraît déjà bien loin.

Cependant, un doute persiste: Cette histoire de porte verte; était-ce un fantasme ? Un souvenir ? Une rêverie peut-être ? Cette histoire a-t-elle au moins réellement eu lieu ?

C’est en 1975 que la France connaîtra son plus grand déluge pornographique puisqu’arrivera sur nos écrans les deux bombes que sont Deep Throat (Damiano, 1972) et Behind the Green Door (Mitchell, 1972). Cette même année, la France votera par ailleurs pour l’application de la loi X qui fut véritablement le début de la fin du cinéma érotique. Coïncidence ?

Et parce que j’aime terminer un article sur une anecdote, en voici une: lors de l’avant-première du film en France, Michel Guy, à l’époque ministre de la culture, fit réserver toute la première rangée de la salle lors du festival du film américain de Deauville. Qui a dit que politique et érotique ne faisait pas bon ménage ?

PS: je mentionne très souvent le livre  The Other Hollywood (L’histoire du porno américain par ceux qui l’ont fait) de Legs McNeil et Jennifer Osborne (éditions Allia, 2011), mais si vous êtes avide de détails concernant la création de Behind the Green Door ou le destin malheureux des frères Mitchell (sans spoiler, l’anecdote est digne d’un Scorsese !), je vous recommande une fois encore ce livre qui est une merveille !

J’espère que cet article vous a plu; à bientôt sur cinéma érotique 🍑 

2 thoughts on “Behind the green door : 72, année érotique”

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