L’empire des sens: le Japon fantasmé

“Ce que par amour, je fus inéluctablement amenée à faire ne se ramène pas seulement à l’érotomanie”.

Abe Sada, lors de son procès.

Les origines

Nous sommes en 1972. Le producteur français Anatole Dauman propose à Nagisa Oshima de co-produire un film avec lui, mais pas n’importe lequel: un film érotique. À l’époque obsédé par l’affaire japonaise “Abe Sada”, le réalisateur japonais saute sur l’occasion. Ainsi naît l’Empire des sens.

Réalisé en 1976 par Nagisa Oshima, l’Empire des sens est donc une co-production franco-japonaise, inspiré d’un fait divers survenu en 1937 au Japon: la mort d’un homme des suites d’un ébat avec sa maîtresse (celle que la presse renommera “la sorcière Abe Sada”). Il fut alors étranglé et émasculé. La pauvre femme erra plusieurs jours dans les rues tokyoïtes, désemparée, le sexe de l’homme à la main.

Les moeurs japonais

Interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie en France, le film fut un succès, surfant alors sur la vague du film érotique, lancé par le succès d’Emmanuelle, deux ans plus tôt. Cependant, le film connu un sort plus mitigé dans le pays d’origine du réalisateur. Alors que le Japon est sans doute le premier pays producteur de contenus à caractère pornographique (il suffit de jeter un coup d’oeil dans les sex-shops démesurés au Japon…), devant les États-Unis ou la France; les représentations d’organes génitaux sont aujourd’hui encore floutés ou “mosaïqués”. Ce n’est que récemment que la censure fut levée sur ce genre d’images. À sa sortie, le film sort alors totalement mutilée (flutés et coupés) de part l’interdiction de montrer des poils pubiens à l’écran… Le public japonais étant tout de même scandalisé par le contenu du film, Oshima sera accusé d’obscénité et poursuivi par l’État. Le réalisateur sera tout de même innocenté après de nombreuses années de procès. 

Entre succès et malentendu

Comme écrit précédemment, le film eut un grand succès en France; et fut même considéré comme étant le premier film pornographique d’auteur. Cependant, les raisons du succès ne furent pas toujours les bonnes…

Premièrement, le film qui adopte un ton plutôt incisif et percutant, est reçu de manière plutôt absurde par le public français; qui passe alors à coté du propos.

Mais surtout, la célèbre séquence d’émasculation est applaudie par les groupes féministes de l’époque; là encore, dénaturant le propos de base du film qui ne parle pas d’un quelconque ascendant féminin sur l’homme mais d’une passion commune outrepassant les limites physiques. Nagisa Oshima, malgré le succès, regrette de susciter l’incompréhension avec ce premier film et décide alors de rester fidèle à sa vision du cinéma, qu’il assumera davantage dans son deuxième opus: l’Empire de la passion, réalisé en 1978 signant ici, son véritable chef-d’oeuvre.

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